Fédération québécoise des échecs
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Alexandre Lesiège sur le Championnat du monde


Partie 12

Carlsen a rapidement répondu à la question s'il jouerait pour le gain dans cette partie cruciale du championnat du monde. Son choix d'ouverture, une ligne complètement égale et stérile dans le complexe du mur de Berlin,
annonçait ses intentions de reporter le combat au bris d'égalité. La nulle fût conclue dès que le règlement le permet, c'est-à-dire au 30e coup. Ce fut la partie la moins excitante du match, avec approximativement 20-25 coups de théorie. Il est difficile à dire si c'est une stratégie préméditée du champion du monde. Possiblement qu'il a évalué son état mental au début de la partie pour décider quelle stratégie adopter. Nous allons donc au bris
d'égalité qui consistera dans un premier temps en 4 parties de 25min mat + 10s d'incrémentations. Selon le site Live Chess Rating Carlsen a un elo de 2894 en parties rapides alors que Karjakin a 2818; léger avantage au champion du monde. Si le match devait se poursuivre en blitz, c'est 2873 vs 2800. En tant que fan je suis content que le match continue. Très possible que nous assistions à des ouvertures plus ésotériques, la restriction de temps permettant d'expérimenter des lignes moins solides, mais plus dynamiques. Je ne serais pas surpris de voir Carlsen tenter la défense Pirc avec les noirs. Du côté de Karjakin, je m'attends à ce qu'il continue son style hyper solide en attendant l'erreur de son adversaire.

Partie 11

La onzième partie du campionnat du monde fut plutôt tranquille avec une évaluation qui a toujours oscillé autour de l'égalité. Certes, la position était dynamique, mais avec une lourde tendance vers un échange de pièces menant à la nulle. Karjakin a opté pour 6.d3 dans l'Espagnole, coup qu'il a utilisé lors de la deuxième partie. Carlsen dévia immédiatement en jouant 9...Fe6 une option très solide employée par plusieurs forts GM. Le challenger introduit la première nouveauté 16.f5, mais cela ressemblait davantage à de l'improvisation qu'une profonde préparation. En conférence de presse, celui-ci n'était pas trop satisfait de la tournure des évènements. Le champion du monde a facilement contré le coup et s'est même emparé d'une certaine initiative, sauf que les blancs n'ont pas eu trop de misère à simplifier vers la nulle. La dernière partie en temps réglementaire sera lundi. En cas d'égalité les deux joueurs joueront 4 parties de 25minutes mat + 10s d'incrémentation, suivi de 4 blitz et enfin une partie Amageddon en dernier bris d’égalité.

Partie 10

Carlsen gagne la 10e partie pour égaliser le match! Statistiquement parlant, il était dû pour en gagner une. En conférence de presse, il s'interrogeait à savoir s'il a déjà connu une séquence de 9 parties sans victoires.
Pourtant, ce fut loin d'une performance parfaite pour le champion du monde. Au 19e coup, il commet une bévue relativement élémentaire. Il prend du temps pour jouer son 20e coup même si celui-ci est pratiquement forcé réalisant qu'il venait d'ouvrir la porte à Karjakin pour forcer la nulle. Mais celui-ci manque complètement deux chances en ligne de forcer une répétition de coups. Rien de bien compliqué, des calculs simples de 3-4 coups. Comme l'a mentionné Carlsen en conférence de presse " at that point l had already given up ". Il montre aux spectateurs les deux nulles manquées par Karjakin. De toute évidence, Karjakin est un excellent calculateur, mais je peux comprendre ce genre d'aveuglement. Parfois, une prédisposition psychologique fait qu'on oublie de calculer. Cela peut être le stress, un manque d'optimiste ou une foule d'autres raisons. Par ailleurs, je trouve la situation un peu inquiétante pour le challenger : cela fait deux parties en ligne que Carlsen montre des lignes à l'analyse que Karjakin n'a simplement pas vues. Après ces deux occasions en or manquées, le champion du monde s'est retrouvé dans une finale très avantageuse, son pain et son beurre. Pourtant il n'a pas encore réussi à briser la défense de Karjakin dans ce match. Encore une fois, il s'est mis à défendre précisément. Il a une grande habileté à construire un plan et manoeuvrer ses pièces sur les meilleures cases. De plus, il n'a pas peur de jouer passivement et démontre beaucoup de maturité à rejeter les options plus actives lorsqu'elles ne sont pas justifiées. Devant une telle résistance, on a vu du 'vintage Carlsen' qui a pris son temps avant d'entreprendre des opérations actives. Finalement, le challenger a craqué en se laissant distraire par une innocente menace. Comme disait Svidler sur Chess 24 " Carlsen is creating a subjective treat on the other side of the board.

Parties du match

Partie 9

La neuvième partie du championnat du monde fut très excitante, remplie de tactiques et de motifs positionnels. Karjakin est venu bien prêt d'obtenir une seconde victoire en ligne après une erreur de Carlsen au 38ème coup. En effet, avec une trentaine de minutes et seulement 2 coups à jouer avant le contrôle du temps, le challenger avait le choix entre deux suites tactiques attrayantes. Malheureusement pour lui, il a choisi la mauvaise et permit à Carlsen de se sauver avec la nulle. L'erreur du champion du monde, pas du tout évidente en pratique, est le résultat d'une pression à long terme exercée par Karjakin au sortir de l'ouverture. Je questionne le choix d'ouverture du champion du monde qui a opté pour la défense Archangel, sacrifiant un pion pour une compensation positionnelle. En théorie excellent puisqu'il se doit de gagner avec les noirs, sauf que si les blancs connaissent l'ouverture précisément, le potentiel d'attaque des noirs n'est pas très dangereux et ils se retrouvent plus souvent qu'autrement à se battre pour la nulle; c'est exactement ce qui s'est passé aujourd'hui. On voit l'effet domino qu'une défaite peut entraîner : Carlsen joue une ouverture risquée qu'il n'aurait jamais jouée dans d'autres circonstances et passe bien prêt de sceller son sort dans le match. Par ailleurs, on peut observer deux phases distinctes dans ce championnat du monde. Les quatre premières parties où Carlsen domine manquant des gains clairs dans les parties 3 et 4. Puis une seconde phase tout à l'avantage de Karjakin : Il a l'avantage dans la 5ème et 6ème partie, gagne la 8ème et passe bien prêt de répéter l'exploit dans la 9ème. Selon les observateurs, Carlsen joue en dessous de son niveau habituel alors que Karjakin est égal à lui-même. On peut dire que le champion du monde commet beaucoup d'erreurs tactiques depuis quelques parties. Il devra sortir ses meilleurs échecs s'il espère l'emporter. Les bookmakers donnent évidemment Karjakin comme favori, mais comme l'a mentionné Carlsen en conférence de presse, il a la capacité de gagner une partie sur trois, quelque chose de très raisonnable dans son cas.

Partie 8

La tension était à son comble à New York lors de cette 8ème partie du championnat du monde. Le champion du monde a allumé le feu sur l'échiquier avec ses décisions très agressives. Karjakin a mentionné en conférence de presse : " on peut remercier Carlsen pour une partie excitante aujourd'hui". Dès les premiers coups, le champion du monde a annoncé ses couleurs en choisissant le système Colle qui évite les longs duels théoriques. Encore une fois, le challenger s'est défendu solidement pour obtenir une position balancée. Le 19.Cb5 de Carlsen semblait lousse invitant Karjakin à initier des complications tactiques. Svidler, commentateur sur Chess24 a décrit ce coup comme " it looks like Carlsen is taunting Karjakin ". Mais fidèle à son style, Karjakin a plutôt choisi une alternative défensive. À plusieurs birfucations, le champion du monde a toujours choisi le coup le plus tranchant déclinant les lignes égalisatrices; Carlsen s'est véritablement mis all in, mais avec une main douteuse. Malgré une grave erreur de Karjakin au 37ème coup en pression de temps, au sortir du zeitnot mutuel, toutes les chances pratiques de gain étaient de son côté. Il les a rapidement concrétisées après une faible résistance de la part de son rival. Le drame s'est poursuivi sur les réseaux sociaux, après que Carlsen eu abruptement quitté la conférence de presse avant que celle-ci ne commence. Karjakin est désormais le favori pour remporter le match, mais on sait qu'un Carlsen "blessé" peut revenir très fort. On l'a déjà vu enchaîner les victoires après une partie crève-coeur. Une longue journée de congée attend les deux protagonistes (et les spectateurs!) qui pourront digérer ce moment crucial du match.

Partie 7

Avec une septième nulle en autant de parties, Karjakin s'est hissé du 9ème au 7ème rang mondial devant Anand et Nakamura selon le site Live Chess Ratings. Ce fut une partie assez étrange avec un standard de jeu plutôt bas
pour un championnat du monde, les deux joueurs commettant plusieurs imprécisions dans une position relativement simple. Encore une fois, Carlsen a gagné la bataille théorique en sortant un vieux coup joué par Tartakower en 1925! Karjakin a immédiatement mal réagi se retrouvant sur la défensive avec les blancs dès le 14ème coup. Il faut dire que toute la ligne n'est pas très débattue, car la solidité de la position noire est connue depuis longtemps. Pourtant, après deux erreurs/imprécisions de la part de Carlsen, c'est Karjakin qui s'est retrouvé dans une position favorable, mais avec de fortes tendances de nulle vu la présence de fous de couleurs opposées, encore une fois!

Partie 6

Cette sixième partie fut une bonne démonstration du niveau de préparation des super GM. La partie a suivi une ligne ultra théorique jusqu'au 14ème coup. À ma connaissance, Carlsen fut le premier à introduire une nouveauté qui ne changeait toutefois pas dramatiquement le caractère de la position, mais avait l'avantage d'éviter une quelconque préparation de Karjakin. À peine quelques coups plus tard, la partie se dirigeait déjà vers une nulle stérile. Giri a d'ailleurs twitté "Hm, boys are doing their homework! ' On constate avec quelle facilité les noirs peuvent désormais résoudre leurs problèmes d'ouverture s'ils sont bien préparés. D'ailleurs, c'est le plus gros problème de Karjakin dans ce match : il est incapable de surprendre Carlsen avec les blancs. À cet effet, Nigel Short a surement mis le doigt sur le bobo à travers un commentaire sur Twitter : "Sergey's great strenght - a narrow but very well analysed repertoire - is a liability when his opponents has months to prepare for it " En effet, Karjakin n'amène rien sur la table apte à surprendre Carlsen. Le joueur russe ne peut pas espérer gagner la bataille d'ordinateurs qui se déroule en arrière-scène. Certes, Il possède un équipement informatique valant plus de 50 000$ et la machine russe derrière lui, mais Carlsen n'est pas en reste avec son association avec une compagnie d'Oslo pour ses besoins informatiques. Les deux joueurs ont ainsi accès à des supercomputers qui peuvent atteindre 35 demi-coups et+ en quelques secondes. Le constat est qu'il est dur à ce niveau d'obtenir un avantage tangible dans une ligne à laquelle l'adversaire s'attend. Le terrain de jeu cybernétique est nivelé et c'est ailleurs qu'il faut rechercher un avantage : par exemple, employer des lignes inusitées 1

Partie 5

Une cinquième nulle en 5 parties! Magnus Carlsen avait l'air débiné, épuisé et montrait des signes d'impatiente en conférence de presse. Les difficultés que lui pose Karjakin dans ce match semblent commencer à l'affecter. Mais bon. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter outremesure, Carlsen n'a jamais été timide de montrer sa déception lorsqu'il n'était pas satisfait de la tournure des évènements. Cela contrastait avec l'attitude de Karjakin qui avait l'air posé, serein même, évidemment content d'être toujours dans le coup. De son côté, il y a raison d'être optimiste. Pour la première fois du match, il a obtenu de véritables chances de gain après avoir encore offert une défense magistrale dans une position légèrement plus plaisante pour le champion du monde. Cette fois-ci, Carlsen s'est impatienté et a failli brûler tous les ponts derrière lui. Heureusement pour lui, Karjakin n'a pas su être précis dans une position extrêmement compliquée. Après une seule erreur, la balance fut rétablie et la nulle signée quelques coups plus tard.

Je tire quelques conclusions après les quatre premières parties.

1) Carlsen gagne les batailles théoriques. Avec les blancs, il obtient des positions plaisantes sans danger de perdre grâce à des coups inhabituels dans l'ouverture; Trompowsky dans la 1re partie et Te2!? dans la 3ème. Pour sa part, Karjakin est solide avec les noirs, mais sa préparation théorique laisse à désirer avec les blancs. Deux lignes plutôt insipides face à l'espagnole; aucun nouveau coup susceptible de placer le champion du monde en difficulté.

2) Carlsen a de la difficulté à convertir ses avantages.

3) Karjakin est fidèle à sa réputation de spécialiste de la défense, mais il devra obtenir des positions plus intéressantes au sortir de l'ouverture s'il espère remporter ce match

4) les parties sont très stratégiques et techniques avec peu de tactiques complexes.

Suivez le match sur ce site :

http://www.fqechecs.qc.ca/article/championnat-mondial-des-echecs-2016

Copyright © 2024
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Développement et intégration / Richard Duguay
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