Fédération québécoise des échecs
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Le calcul de la cote


Le but poursuivi par le système des cotes est de permettre des comparaisons valables de la force des joueurs. Pour savoir si un joueur est maître ou expert, ou si tel joueur est plus fort qu’un autre, ou encore si un joueur s'est amélioré en un temps donné, il faut se situer à l’intérieur d’un cadre de référence qui donne un sens à toutes ces questions. On essaie, par un système de cote, de quantifier la notion de force aux échecs, ce qui réduit le problème, forcément complexe, de l’évaluation qualitative de la force des joueurs, à une simple comparaison de deux nombres, les cotes.

La méthode utilisée pour l’élaboration du système de cote est empirique, c’est-à-dire fondée sur l’observation des résultats en compétition officielle. On fait correspondre ainsi les bases du système à nos idées intuitives de force et de classement. Un joueur est fort s’il remporte la victoire contre la plupart de ses rivaux. On fait une extension importante de cette idée fondamentale lorsqu’on présume qu’un autre joueur, qui obtient des résultats encore plus probants contre les mêmes adversaires, est plus fort que le premier, même si les deux ne se sont jamais rencontrés en compétition. Une autre extension pour achever les fondements de notre système de cote: on présume que nos deux joueurs peuvent établir leur force respective en jouant chacun contre un groupe différent d’adversaires. Leurs résultats sont comparables parce que leurs adversaires le sont, étant donné qu’ils sont tous inscrits au système, c’est-à-dire qu’ils sont tous cotés.

Quoiqu’un système universel de cote ait déjà été réclamé avant la fin du siècle dernier, ce n’est qu’en 1948 que les premières initiatives en ce sens ont été prises, en Allemagne, avec l’élaboration du système Ingo d’Anton Hösslinger. Les Américains ont suivi trois ans plus tard, avec un système très similaire développé par Kenneth Harkness. En 1953, une équipe britannique, dirigée par Sir Richard Clarke, a révisé à fond le système Ingo-Harkness en l’adaptant aux contraintes posées par les conditions particulières de la pratique des échecs en Grande-Bretagne.

Tous ces systèmes comportaient de sérieuses difficultés d’ordre théorique. En particulier, les problèmes posés par l’intégration de nouveaux joueurs au système et par la diminution graduelle de la cote moyenne des joueurs, soulevaient d’importants doutes sur la validité statistique des méthodes utilisées. La valeur d’un système de classement réside dans sa stabilité. Le système fournit un cadre de référence qui permet d’évaluer l’importance des mouvements des cotes individuelles; tout mouvement, on le sait, est relatif. On ne devrait pas observer un mouvement systématique du cadre — réflété par des barèmes telles la cote moyenne ou médiane, les cotes des joueurs d’élite, etc. — à moins qu’il n’y ait une justification probante. Par exemple, on peut imaginer une augmentation générale de la force des joueurs, par l’avance des techniques de jeu, qui trouvera son écho dans une hausse systématique des cotes. Mais expliquer une diminution systématique des cotes avec le temps pose une difficulté insurmontable du point de vue théorique.

En 1959, Arpad Elo, professeur de mathématiques à l’Université du Wisconsin, a entrepris pour le compte de la United States Chess Federation (U.S.C.F.) une étude approfondie des fondements théoriques des systèmes de classement de joueurs d’échecs. Il réunit les fruits de ses recherches dans trois articles publiés dans la revue Chess Life, organe officiel de la U.S.C.F., en mars 1960, avril 1960 et mai 1960. Cette année, la U.S.C.F. a institué le système Elo pour l’homologation des parties de compétitions officielles, disputées aux États-Unis.

La Fédération internationale des échecs (FIDE) a adopté le système Elo en 1970 pour les compétitions internationales. Depuis ce temps, elle publie, en janvier et en juillet de chaque année, une liste des cotes révisées. L’importance des cotes au niveau international se manifeste particulièrement dans le système d’octroi des titres de maître international (MI) et grand-maître international (GMI) décernés par la FIDE. Chaque tournoi international se voit attribuer une «catégorie», de 1 à 21, selon la cote moyenne des participants; plus haute est la cote moyenne, plus élevée est la catégorie du tournoi.

Les performances des joueurs sont évaluées selon la catégorie des tournois. On réalise une «norme» de grand-maître international, par exemple, en obtenant un résultat de 70% dans un tournoi de catégorie 9 (cote moyenne située entre 2451 et 2475), ou bien un résultat de 50% dans un tournoi de catégorie 15 (cote moyenne située entre 2601 et 2625). Après trois normes en deux ans, on mérite le titre correspondant, reconnu par le public échiquéen en général.

Au Québec, le calcul des cotes des joueurs d’échecs selon le système Elo remonte à 1973, grâce aux initiatives de la Ligue d’échecs de Montréal (L.E.M.) et de ses responsables de l’époque, Benoît et Jean Beaudoin. Le réseau de joueurs québécois ainsi cotés a pris rapidement une envergure nationale et, en 1976, la L.E.M. a transféré ses fichiers informatisés à la Fédération québécoise des échecs, qui dès lors a assumé la gestion de la cote du Québec.

Considérations générales

Les fondements théoriques du système Elo reposent sur le calcul des résultats probables de parties disputées entre deux joueurs dont les cotes respectives reflètent la force réelle. Plus la différence entre les cotes est élevée, plus il est probable que le joueur le mieux coté remporte la partie.

Les points de cote sont gagnés ou perdus selon les différences en plus ou en moins entre les résultats réels et les résultats probables. Chaque joueur se voit attribué un nombre, sa cote, qui reflète ses résultats en tournois. La cote du joueur est recalculée après chaque tournoi. L’ensemble des cotes détermine un classement général où la position de chaque joueur relative aux autres se chiffre par les différences de cote.

Le système Elo ne fournit pas d’échelle absolue; seul le classement relatif des joueurs est déterminé. La U.S.C.F., lorsqu’elle institua le système Elo en 1960, a maintenu le niveau des cotes du sytème Harkness utilisé jusqu’alors. Les cotes variaient entre 1000 et 2600 à peu près, avec un seuil de 2200 pour la cote d’un maître d’échecs national. La FIDE a repris ce modèle en 1970 et fixe une échelle absolue des cotes en se servant des points de repère de 2500, la cote-performance pour obtenir une norme de maître international (MI) et de 2600, la cote-performance pour obtenir une norme de grand-maître international (GMI).

Avant de passer aux détails du calcul des cotes, on peut noter que la théorie du Professeur Elo ne se limite pas à la compétition échiquéenne. Elle peut s’appliquer de façon générale à toute forme de compétition entre deux adversaires où le résultat d'un match est représenté par un nombre fini de possibilités (victoire, défaite ou match nul, dans la plupart des compétitions sportives). Les résultats probables qui apparaissent dans le tableau ci dessous, sont conçus d’après des méthodes statistiques garantissant, à long terme, la réalisation d’un système de cote stable qui reflète la force relative des compétiteurs. Référence: Arpad E. Elo The Rating of Chessplayers (Batsford; Londres, 1978).

L'ordre de cotation

Un joueur peut avoir une cote provisoire ou permanente, ou encore être sans cote, et les règles de cotation s’appliquant à chacune de ces catégories diffèrent. Pour chaque compétition, on cote les joueurs dans l’ordre suivant: sans cote; avec une cote provisoire; avec une cote permanente.

Les joueurs sans cote

Un joueur est sans cote s’il n’a pas encore joué dans une compétition cotée. Sa première cote est déterminée par sa «cote-performance», calculée comme suit:

Cote = Cm + 400 * (V - D) / nombre de parties jouées

où Cm représente la cote moyenne des adversaires,
V le nombre de victoires et D le nombre de défaites.

Si un joueur sans cote affronte d’autres joueurs sans cote, on attribue provisoirement une cote de 1100 à ses adversaires non cotés. Si la cote-performance d’un joueur sans cote n’atteint pas 1200, on lui ajoute un rajustement de 50% de la différence. Exemple: 800 devient 1000, 900 devient 1050, etc.

Les joueurs avec une cote provisoire

La cote d’un joueur est provisoire lorsqu’il a joué 24 parties ou moins avant la tenue de la compétition. Sa nouvelle cote (qui devient permanente après la compétition si le nombre total de parties jouées excède 24) est déterminée à partir de la formule utilisée pour les joueurs sans cote.

La nouvelle cote est la moyenne de l’ancienne cote et de la cote-performance pour la compétition, pondérée selon le nombre de parties représentées par chacune. Alors, si un joueur a une cote provisoire de 1462, basée sur 12 parties jouées, et réalise une cote performance de 1630 lors d'un tournoi de 4 rondes, sa nouvelle cote est calculée comme suit:

Cote = (12*1462)+(4x1630)/12+4

Il n’y a pas de rajustements pour les cotes provisoires qui n’atteignent pas 1200.

Les joueurs avec une cote permanente

La cote d’un joueur devient permanente après le tournoi qui contient sa 25e partie cotée. Pour chaque tournoi subséquent, on détermine sa nouvelle cote à l’aide de la formule:

Cote = Ca + 32 x (R - Rp)

où Ca représente l’ancienne cote permanente, R la somme des résultats obtenus durant le tournoi et Rp la somme des «résultats probables» déterminés à partir de la différence de cote entre les deux joueurs qui s’affrontent (voir le tableau suivant).

0--3        50   50   198--206   76     24
4--10       51   49   207--215   77     23
11--17      52   48   216--225   78     22
18--25      53   47   226--235   79     21
26--32      54   46   236--245   80     20
33--39      55   45   246--256   81     19
40--46      56   44   257--267   82     18
47--53      57   43   268--278   83     17
54--61      58   42   279--290   84     16
62--68      59   41   291--302   85     15
69--76      60   40   303--315   86     14
77--83      61   39   316--328   87     13
84--91      62   38   329--344   88     12
92--98      63   37   345--357   89     11
99--106     64   36   358--374   90     10
107--113    65   35   375--391   91     9 
114--121    66   34   392--411   92     8 
122--129    67   33   412--432   93     7 
130--137    68   32   433--456   94     6 
138--145    69   31   457--484   95     5 
146--153    70   30   485--517   96     4 
154--162    71   29   518--559   97     3 
163--170    72   28   560--619   98     2 
171--179    73   27   620--734   99     1 
180--188    74   26   735 et     100    0 
189--197    75   25   plus               

Pour chaque partie, une victoire vaut 1 point, une partie nulle 0,5 point et une défaite 0 point. On additionne tous les résultats pour obtenir R, mais sans compter les points obtenus suite a des repos ou à des exemptions.

Des bonis en points de cote sont accordés après une compétition lorsque l’augmentation de cote d’un joueur dépasse la limite suivante:

24 points pour les tournois de 4 rondes et ensuite
26 points pour 5 rondes,
28 points pour 6 rondes, etc.

Le joueur reçoit alors un point de boni pour chaque point de cote gagné dépassant la limite.

D’autre part, lorsque la cote d’un joueur dépasse 2300, soit avant, soit durant une compétition, tous les changements ultérieurs de cote sont divisés par deux pour déterminer la nouvelle cote.

Enfin, l’augmentation de cote acquise lors d’un match ne peut excéder 50 points.

La cote, mesure de l’habileté échiquéenne des joueurs

La cote du Québec permet aux joueurs de différentes régions de comparer leurs forces respectives, et fournit aux organisateurs de tournois une base rationnelle pour faire les appariements et décerner les prix de classe ou de performance. La compatibilité de tous les systèmes de cotes Elo utilisés à travers le monde prête à la cote du Québec son caractère d’universalité. En effet, les cotes F.Q.E. des joueurs québécois sont reconnues aux fins d’appariements et de détermination de prix de classe partout en Amérique du Nord.

Quelques exemples tirés de la liste de cote de la FIDE du premier juillet 2001 vous permettront de vous situer dans cette échelle universelle de la force des joueurs qu’est le système Elo:

2838 Garri Kasparov, meilleur joueur au monde au premier juillet 2001
2797 Viswanathan Anand, champion du monde FIDE
2564 Alexandre Lesiège, champion du Canada et grand-maître international
2200 maître national (2200 de cote FQE)
2000 expert (2000 de cote FQE)

1150 débutant moyen en tournoi

UN EXEMPLE DU CALCUL DE LA COTE

Daniel participe au Championnat ouvert du Québec (le COQ; tournoi de huit rondes) et, avec une cote de départ de 1876, il fait 5,5 points en huit parties. Ainsi:

Ronde  Cote de       Différence  Résultat  Résultat
       l'adversaire  de cote     obtenu    probable
----------------------------------------------------
  1       2024         148        1,0       0,30
  2       2161         285        0,0       0,16
  3       1547        -329        0,5       0,88
  4       1785         -91        1,0       0,62
  5       1979         103        1,0       0,36
  6       2176         300        0,0       0,15
  7       2181         305        1,0       0,14
  8       2048         172        1,0       0,27
----------------------------------------------------
TOTAL                             5,5       2,88

Donc, la cote de nouvelle de Daniel se calcule comme suit:

Cote = 1876 + 32 x (5,5 - 2,88) = 1876 + 84 ... + boni !

Puisque Daniel a augmenté sa cote de plus de 32 points lors d'un tournoi de huit rondes, il a droit à un boni de 52 points (84 - 32). Sa nouvelle cote permanente est alors : Cote = 1876 + 84 + 52 = 2012.

 

Copyright © 2024
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Développement et intégration / Richard Duguay
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